La performance de votre dispositif CRM réside dans votre capacité à l’organiser, le faire vivre et à le piloter.
Facile à dire, plus difficile à faire. Si toutes les PME ou presque utilisent aujourd’hui un CRM, rares sont celles qui parviennent à les exploiter pleinement.
Pour vous permettre de passer rapidement un cap sur le sujet, nous avons interrogé des experts du sujet :
- Grégoire Mialet : CEO et cofondateur de C-ways.
- Marion Duchatelet : Consultante et associée chez Badsender.
- Frédéric Miteve : Directeur & responsable du pôle CRM d’Acemis.
- Clémentin Leduc : Marketing scientist chez Almavia CX.
A la clé ? Des conseils pratiques et des retours d’expérience en format texte synthétique ainsi que l’intégralité de leurs réponses en vidéo dans cet article.
1 – Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Grégoire Mialet
Je suis Grégoire Mialet, CEO de C-Ways. Notre objectif est de faire prendre conscience à nos clients de la valeur de la data et de tout ce que ça peut leur apporter aujourd’hui avec les nouveaux dispositifs : marketing automation, activation en temps réel, omnicanalité…
Des concepts sur lesquels ils butent quand ils passent à l’opérationnel. Bien que sensibles à l’expérience client, ils s’interrogent sur les outils à mettre en place pour connecter ou centraliser l’ensemble de leurs données clients.
Nous leur apportons des éléments de réponse stratégiques avant de les mettre en relation avec des éditeurs de solutions adaptés à leurs besoins.
Marion Duchatelet
Je suis consultante en e-mailing chez Basender.
J’accompagne nos clients dans le choix de leurs outils de routage, lorsqu’ils souhaitent se tourner vers un nouvel outil.
J’effectue également des audits de leur stratégie et par la même occasion je dresse leur feuille de route pour les trois à six douze prochains mois. Il peut s’agir d’analyses statistiques, des contenus email, des questions relatives à la personnalisation ou la segmentation.
Enfin, notre accompagnement prend la forme de séances de coaching pour m’assurer que les points qu’on a soulevés lors de l’audit soient bien appliqués tout au long de l’année.
Frédéric Miteve
Je pilote le pôle marketing CRM d’Acemis, un cabinet de conseil dont le cœur de métier est l’expérience client. Nous avons 20 ans d’existence et réalisons un chiffre d’affaires de 9 millions avec 35 collaborateurs. Notre cabinet accompagne des projets marketing B2B et B2C sur les outils de centre de contact, de marketing automation et de force de vente.
Clémentin Leduc
Je suis Marketing Scientist chez Almavia. Mon job consiste à aider nos clients à déployer des solutions marketing pertinentes pour aider nos clients à optimiser le « customer journey » de leurs propres clients.
Almavia propose un accompagnement global autour de l’expérience client – notamment à travers le déploiement de solutions CRM marketing – auprès de clients nationaux et internationaux.
2 – Quels sont les dispositifs de gouvernance que vous recommanderiez à une entreprise de taille moyenne ?
Grégoire Mialet
Dans ce type d’entreprise, le sujet est très isolé. L’équipe CRM de 2-3 personnes peine à faire comprendre les enjeux auprès de la direction générale.
« Le premier enjeu est lié à l’acculturation de la donnée clients et la connaissance clients »
Le premier niveau c’est de comprendre les données dont on a besoin pour traiter cette connaissance clients et pour générer l’activation. A ce stade, interagir sur le parcours transactionnel avec des logiques d’abandons de paniers, de cross-selling, d’up-selling suffit amplement.
En matière de gouvernance des données, je recommande d’aller sur des solutions cloud pour faciliter l’intégration des données et des solutions de type CDP pour réunir les données essentielles : retour de satisfaction client, plaintes auprès du service client, parcours digital et offline.
Marion Duchatelet
En général dans les organisations de cette taille, l’équipe CRM est une équipe marketing au sens plus large.
L’idéal est de pouvoir s’appuyer sur 2 documents partagés au sein de cette équipe :
- Un planning d’envoi à six mois avec les éléments clés associés à chaque campagne : anglage, date, cible, tests…
- Un document de suivi de la performance de ces campagnes : délivrabilité, taux d’ouverture, cliqueurs,..
Il y a plusieurs indicateurs que je vais surveiller en particulier. Par exemple, le nombre de cliqueurs, le nombre de désabonnements et le taux d’insatisfaction : pour savoir s’il est en-dessous de 10%. Et s’il est possible de l’avoir, je vais regarder le nombre de transactions.
Pour mener à bien ce projet, je conseille aux équipes CRM de prendre une heure par semaine pour compléter ces indicateurs dans leur outil de routage. Puis une fois par trimestre, de prendre du recul pour étudier l’évolution des indicateurs clés. Ensuite, il faut creuser par cibles pour déterminer le comportement de chaque profil : prospects, clients actifs, anciens clients, par produit, par pays etc.
Enfin, on présente cela au board : les instantes dirigeantes et l’équipe data/DSI, ou ceux qui sont en charge du modèle de données afin d’aligner toutes les parties prenantes en matière de vision, d’objectifs, de priorités, d’actions CRM, de statistiques. Il faut que l’ensemble des acteurs soit en phase. Puis de manière cyclique, on revalide chaque trimestre où on fait évoluer la stratégie.
Frédéric Miteve
Il est important de décloisonner les différents métiers en CRM (marketing, ventes, service) et d’associer les profils techniques des intégrateurs de données pour avoir une vue consolidée des clients et un parcours client sans couture. Pour cela, il est conseillé de créer des plateaux qui regroupent toutes les équipes et tous les profils nécessaires pour mettre en œuvre le projet, en impliquant au maximum tous les profils qui pourraient être concernés. Il est aussi important d’avoir un comité de pilotage avec les bonnes personnes impliquées pour faciliter la communication entre les métiers et les parties techniques.
Clémentin Leduc
Je recommande pour une petite équipe CRM dans une PME d’avoir un plan précis de déploiement pour dimensionner la gouvernance et améliorer l’implication des différentes équipes. Il est important de mettre en place un cadre précis pour les projets avec des actions bien définies et des rendez-vous réguliers pour analyser les problèmes et trouver des solutions. Il est également important de mettre en place des comités de pilotage et de projet réguliers et rapides, mais sans tomber dans la surconsommation de réunions. La fréquence idéale pour un comité de pilotage ou de projet est d’un par semaine pendant les six premiers mois.
3 – Comment mesurer l’impact d’un dispositif CRM ?
Grégoire Mialet
Aujourd’hui je pense que c’est très compliqué de mesurer efficacement une campagne car bien souvent, le coût de mesure est plus important que le coût de la campagne elle-même.
Notamment à travers l’email dont on sait que c’est un canal fragile du fait de la sollicitation excessive des consommateurs. Aujourd’hui, le taux d’ouverture est un indicateur mais il ne fait pas le succès d’une campagne.
Il faut surtout mettre l’accent sur des campagnes omnicanales, automatisées et scénarisées car l’impact d’un email peut parfois influer sur un acte d’achat en boutique. Il y a deux choses sur lesquelles s’attarder :
- Les indicateurs de santé et d’engagement sur le long terme de sa base de données clients : fréquence d’achat, taux de rétention/attrition, l’évolution de leur panier etc.
- Utiliser les populations blanches : populations figées sur une longue temporalité (6 mois) au cours de laquelle elle ne va rien recevoir. C’est un échantillon témoin qui comparé à l’échantillon test, permettra d’évaluer l’efficacité du plan CRM et éventuellement l’améliorer.
Marion Duchatelet
Je recommande de prendre les mêmes taux pour les scénarios (que pour les campagnes) mais en isolant les performances de chaque email. Parfois dans un scénario il y a trois e-mails. Si j’ai un taux d’insatisfaction qui est énorme sur le deuxième e-mail, peut-être que je devrais l’enlever ou parler autrement.
Il faut également mesurer les emails d’un point de vue temporel pour déterminer à quel moment les gens se désabonnent par exemple. Si l’insatisfaction est beaucoup plus grande dans le troisième email, est-il pertinent de le faire partir plus tôt ?
Il est nécessaire de se poser ce type de questions tous les trimestres, d’émettre des hypothèses afin de lister des points d’amélioration.
En substance, je conseille de se pencher sur le nombre de cliqueurs, le taux d’insatisfaction et le taux de conversion (si l’objectif principal est la conversion). Certaines marques relaient simplement le positionnement marketing et les valeurs de l’entreprise pour ne pas pousser à la surconsommation. D’autres marques ne veulent pas pousser à fond la conversion pour éviter d’entrer dans une logique de surconsommation.
Frédéric Miteve
Il est critique de mesurer l’impact du dispositif CRM en utilisant des indicateurs de bout en bout, c’est-à-dire en croisant les données des campagnes marketing avec les données issues des autres outils métiers pour analyser l’impact réel sur les ventes ou sur la fidélité des clients. Il faut aussi savoir prendre en compte la question de l’attribution des ventes, qui peut être complexe, en mettant en place un modèle d’attribution avancé pour éviter de dévaloriser certains canaux de communication.
Clémentin Leduc
Un cycle d’implémentation CRM se déroule en 3 phases / années :
- Année 1 : Construction, faire en sorte que les outils fonctionnent, focus engagement.
- Année 2 : Stabiliser la solution, mise en place des parcours clients.
- Année 3 : Aller chercher l’incrémental, focus conversion.
Je recommande de bien établir les objectifs en début de projet afin de déterminer les impacts du dispositif CRM. Pour mesurer l’impact, nous utilisons plusieurs méthodes telles que la comparaison des résultats avant et après la mise en place du CRM, la mesure des retombées des campagnes marketing et l’utilisation d’outils de veille pour relier les retombées d’une campagne au chiffre d’affaires généré.
4 – Comment rapprocher la connaissance clients des actions CRM ?
Grégoire Mialet
La convergence est indispensable notamment pour prioriser les actions que l’on souhaite déployer. Au départ, on ne peut pas intervenir sur tous les sujets : marketing automation, campagnes classiques, campagnes de réactivation etc. C’est à ce moment-là que la connaissance clients intervient.
Par rapport aux comportements des clients, il faut se demander ce qui est prioritaire en termes d’impact business : améliorer la rétention, favoriser un deuxième achat, prioriser le cross-selling etc.
Le plus important c’est que cette connaissance clients soit diffusée au-delà de l’équipe CRM
Notamment à la direction générale qui va investir sur des sujets à forte valeur ajoutée. Cela nécessite une bonne interaction entre l’équipe CRM, l’équipe marketing et l’équipe data/SI.
Marion Duchatelet
C’est un vaste sujet. Quand on pose la question aux annonceurs, ce qu’ils aimeraient savoir sur leurs clients, c’est leurs centres d’intérêt. D’autant plus quand le catalogue produit est riche. Plusieurs approches sont possibles :
- Catégoriser les liens : Associer les liens à des centres d’intérêts ou des catégories de produit en retail. On utilise ensuite ces centres d’intérêt pour segmenter notre base ou pour personnaliser nos emails.
- Le scoring : En associant la catégorisation de liens à l’historique d’achat et à des questionnaires déclaratifs placés à des endroits stratégiques.
- Le marketing téléphonique : Appeler 10-20 clients qui sont vraiment engagés envers la marque permettrait d’en savoir plus sur leur rapport à la marque.
Frédéric Miteve
Il est important de rapprocher la connaissance clients des actions CRM en utilisant un programme relationnel qui regroupe un ensemble de projets et d’acteurs. Cela permet de collecter des informations sur les clients à travers différents canaux et de les partager entre les équipes pour améliorer les actions marketing.
Il est essentiel d’avoir une structure qui permet de regrouper toutes ces informations pour une vision globale de la connaissance clients. Cependant, il peut être difficile de motiver les différentes équipes à contribuer à cette connaissance client, surtout dans les entreprises de petite taille qui n’ont pas de personne dédiée à cette tâche.
Clémentin Leduc
Pour rapprocher la connaissance clients des actions CRM, il est critique de définir les objectifs en début de projet et d’utiliser des études pour analyser le comportement des clients. Il est important de segmenter les clients en utilisant les données disponibles, ensuite on peut utiliser des outils pour pousser les analyses et améliorer les activations marketing. Il faut aussi rassembler toutes les divisions d’une entreprise pour avoir une vision consolidée des actions et des retombées. Enfin, il faut réconcilier les équipes de data pour utiliser les outils de veille disponibles.
5 – Comment penser un dispositif CRM dans un contexte international ?
Grégoire Mialet
Il n’y a pas de recette miracle. Il faut prendre en compte le niveau de maturité des pays sur le sujet. Certains pays ont des contraintes opérationnelles que l’on à tendance à oublier : gestion des réseaux, onboarding des équipes, notoriété de la marque etc. Ils ne peuvent pas être experts de tout.
Je recommande une gouvernance bien réfléchie, fruit d’une concertation entre tous les pays. Personnellement, je recommande un canva d’activation automatisé et centralisé qui doit être commun à tous les pays. Que j’aille en France ou en Italie, mon rapport à la marque doit être le même. Il doit y avoir un socle commun basé sur le cycle de vie client (soit toutes les interactions à forte valeur ajoutée que l’on va pouvoir automatiser). Dans tous les cas il faut un seul outil qui puisse nourrir les équipes pays et il faut également le temps de former les équipes pays à la maîtrise de cet outil.
Marion Duchatelet
Selon moi, ce qui marche assez bien, c’est l’autonomie des filiales dans tout ce qui est campagnes hebdomadaire et mensuelle. L’idéal c’est d’avoir un outil avec le même templating e-mail afin d’avoir une même cohérence graphique et idéalement une charte éditoriale partagée auprès de chaque équipe en prenant en ligne de compte les spécificités culturelles, la façon de traduire etc. Cela suppose de mettre à disposition un outil dans lequel le template est géré par le siège mais partagé aux locaux.
Puis chaque mois, je partagerais les bonnes pratiques par pays afin de confronter les idées et transposer celles qu’on peut reproduire d’un pays à un autre. Pour ce qui est des scénarios, c’est automatisé au sein d’un seul outil en général. C’est mieux que ce soit pris en main par le siège. Mais par contre la traduction des messages doit être vérifiée par l’équipe locale. L’essentiel c’est qu’il existe des réunions pour aligner tous les parties, être cohérent au niveau de la charte graphique des stats par pays etc…
Frédéric Miteve
Dans les projets internationaux, nous nous appuyons sur des cores modèles qui peuvent être intégraux ou partiels selon le degré de centralisation de l’organisation. Pour la connaissance client, cela dépend des comptes globaux ou locaux. Il est important de séparer les pays en groupes avec des fonctionnements différents pour s’adapter aux spécificités de chaque marché.
Clémentin Leduc
Pour une entreprise internationale, il est important d’avoir un socle commun pour le dispositif CRM qui convient à toutes les entités. Cela permet de garantir une continuité de service et facilite les évolutions au gré des besoins du groupe.
Cependant, il est également important de prendre en compte les différences culturelles, de comportement et de taille entre les différentes entités et de les intégrer dans une couche supplémentaire pour chacun des contextes. Il faut aussi considérer les demandes de développement pour un grand nombre de pays en même temps, pour éviter un déploiement et des évolutions complexes.
6 – Un petit mot en conclusion?
Marion Duchatelet
J’ai mis en place avec Jonathan Lauriaux un podcast cet été. Il s’intitule Sobriété marketing possible…?. Parce qu’on constate que si on veut être utile au monde de demain, il faut peut-être arrêter de pousser à la surconsommation notamment à travers l’emailing. Ce qu’on voit chez nos clients, c’est qu’ils ont du mal à relâcher la pression marketing et à savoir quoi mettre dans leurs e-mails.
En tant qu’individus, ils sont convaincus par la démarche. Mais au niveau business, ce n’est pas la feuille de route qu’ils ont choisie. On essaie de bousculer cette vision-là, d’énoncer des questions et d’apporter des réponses, parfois à nos propres interrogations. Pour ce faire, on interview des entreprises à impact qui ont déjà passé ce cap-là. Pour finir, je vais poser une question à vos lecteurs : Est-ce qu’on a vraiment besoin de scoring, de personnalisation ou d’IA dans une stratégie CRM/emailing ?
Frédéric Miteve
Chez Acemis, nous avons un ADN orienté client. Nous encourageons nos clients à se mettre à la place des clients finaux pour comprendre leurs besoins réels. Cependant, il est facile d’oublier cet objectif en se concentrant sur les projets techniques et organisationnels.
Pour cette raison, nous avons développé une offre autour de la « voix du client », pour prendre en compte les signaux faibles et forts des clients. Dans les projets marketing, nous insistons sur l’importance de s’organiser dès le début pour évaluer l’impact sur les clients et savoir si les campagnes et les contenus ont été utiles pour eux.