Vers un changement de paradigme sur le marché des Customer Data Platforms

On parle beaucoup de Customer Data Platforms ou CDP en ce moment. Le terme « CDP » désigne d’ailleurs des choses différentes : des solutions « pure players », mais aussi des CRM et outils Marketing qui se sont emparés du terme de manière habile.

Il y a probablement une mode autour de l’expression « CDP », mais cette agitation de surface cache un vrai mouvement de fond. Plus que jamais, les entreprises ont besoin d’exploiter davantage les données clients pour améliorer la performance marketing et commerciale.

Les solutions CDP sur l’étagère ne sont pas les seules approches envisageables pour traiter ce besoin. Beaucoup d’entreprises choisissent de construire leur base de données clients sur-mesure.

Contrairement à ce qu’on peut penser, les grands gagnants de ce mouvement de fond ne seront pas forcément les éditeurs de logiciels CDP ou les solutions CRM, mais plutôt les grandes plateformes Cloud.

🚀 La montée en régime des Customer Data Platforms

Une Customer Data Platform est une solution sur l’étagère conçue pour organiser, unifier et transformer les données clients. Les promesses mises en avant par les éditeurs sont toujours les mêmes :

  • La CDP gère toutes les données, online et offline, y compris les données comportementales contrairement aux CRM classiques.
  • Elle peut se connecter à toutes les sources de données et outils d’activation, grâce à toute une panoplie de connecteurs qui fait la fierté des éditeurs de CDP.
  • Elle est simple d’utilisation et redonne par là-même le pouvoir aux équipes marketing et, plus généralement, aux utilisateurs métier.

On comprend alors l’engouement autour de cette technologie.

3 indices du succès des CDP

La CDP est indéniablement à la mode. Plusieurs indices en témoignent :

  • Le volume de recherches dans Google sur les expressions « CDP » et « Customer Data Platform ». Le graphique Google Trends est très clair.
Source : Google Trends
  • Le nombre croissant d’éditeurs de logiciels qui s’emparent de l’expression CDP. Vous vendez une solution marketing de gestion des données clients ? Appelez-la « CDP », c’est plus vendeur !
  • Tous les cabinets de conseil vous le diront, il y a de plus en plus de projets CDP.

Un simple effet de mode ?

Il y a certainement un effet de mode, mais comme nous le disions au début, cet effet de mode concerne l’expression « CDP ». Les drivers de cette tendance sont eux très solides. Si l’on parle tant de CDP, c’est d’abord parce que cette technologie répond à des problèmes qui ne font que s’accroître :

  • La pression du marché, des clients, à mettre en place une relation client ultra personnalisée sur tous les canaux. Les entreprises veulent toutes proposer une expérience client omnicanale. Et ça, ce n’est pas le bon vieux CRM qui permet de le faire.
  • La multiplication des sources de données et la dispersion croissante des données qui en découle.
  • La volonté des équipes marketing de gagner en autonomie pour exploiter les données dans leurs outils opérationnels : emailing, retargeting, chatbot, etc. Le marketing en a marre du Data Lake.
  • L’accessibilité des technologies IA / Data permettant d’exploiter les données comportementales.

Tous ces problèmes, tous ces besoins font directement écho aux promesses de la CDP que nous avons rappelées plus haut. Logique dans ces conditions que la CDP apparaisse comme la solution idéale et connaisse cet engouement.

📚 De nombreuses approches possibles pour construire sa CDP

Plusieurs approches sont possibles pour construire une CDP. La première consiste à acheter une CDP sur l’étagère. Dans ce cas, vous ferez votre choix sur un marché composé de deux types d’acteurs : les gros et les petits, les mastodontes du CRM et les pure players. L’autre option consiste à construire votre CDP sur-mesure : l’approche Build (vs l’approche Buy).

Les gros éditeurs CRM ont envahi le marché de la CDP

Les géants du CRM ont tous ou presque lancé leur offre CDP. C’est d’ailleurs un signe qui ne trompe pas. Salesforce, Microsoft, Adobe, SAP, tous ces mastodontes ont suivi le mouvement, surfant sur l’engouement pour l’expression CDP. Les « CDP » développées par ces acteurs ne sont pas conçues comme des plateformes ouvertes, mais plutôt comme des briques logicielles rattachées à l’écosystème CRM de l’éditeur. Salesforce CDP, par exemple, est une brique de Marketing Cloud.

salesforce cdp

L’offre de Salesforce résume toutes les promesses de la CDP :

  • L’unification des données autour d’un identifiant client unique pour obtenir la fameuse vision client unique.
  • La création de segments d’audience à partir des données unifiées afin de mettre en place des actions et campagnes ultra-ciblées.
  • L’activation des données dans les outils marketing et commerciaux.

La landing page de Salesforce CDP est un bréviaire des promesses de la CDP.

L’essor des pure players CDP depuis 2015

A côté de ces acteurs dominants gravite toute une galaxie de « pure players » mais aussi d’anciennes DMP ou d’anciens gestionnaires de tags qui se sont reconvertis en CDP.

marche cdp
Source : Chiefmartec

L’un des derniers rapports du CDP Institute donne des informations intéressantes sur le marché de la CDP et son évolution. Plusieurs constats sont dressés :

  • Le marché de la CDP est constitué d’un grand nombre d’éditeurs. Le CDP Institute en recense 151 dans son rapport de juillet.
  • Le marché se divise en deux groupes d’acteurs :
    • Les gros acteurs matures, qui existaient avant 2013. A coup de levées de fonds retentissantes et de rachats, ces leaders se renforcent.
    • Les petites CDP créées après 2014 (date d’émergence de l’expression CDP). Bon nombre d’entre elles se sont faites racheter.

On assiste donc à un mouvement de concentration. Les gros rachètent les petits. La dynamique du marché est portée par les leaders.

croissance marche cdp
Source : CDP Institute.

Build vs Buy

La distinction « gros » vs « petits » ne doit pas masquer la vraie distinction structurante : Buy Vs Build. Il y a deux manières de s’équiper d’une Customer Data Platform :

  • Acheter une solution du marché, une solution sur l’étagère > Buy
  • Construire une CDP sur-mesure conçue pour les besoins spécifiques de l’entreprise > Build.

L’engouement autour des CDP a eu tendance à éclipser la deuxième approche. On a fini par associer l’expression « CDP » aux solutions sur l’étagère. Les choses changent et les approches sur-mesure rencontrent un succès croissant. Nous verrons tout à l’heure pourquoi.

Comment choisir entre ces deux options technologiques ? Rappelons les forces et faiblesses de ces deux options sur les principaux critères de sélection :

  • Le coût. En ce qui concerne le coût de déploiement, c’est l’option CDP sur l’étagère qui est la plus intéressante. Et pour cause, construire une CDP sur-mesure demande plus de travail que d’acheter une licence et d’installer un logiciel pré-paramétré. Par contre, les coûts d’exploitation d’une CDP sur-mesure sont plus faibles. Les licences des CDP sur l’étagère se vendent très cher…
  • La customization. Construire une CDP permet de disposer d’une plateforme répondant parfaitement aux cas d’usage cibles de l’entreprise. A l’opposé, les CDP « prêtes à porter » imposent leurs modèles de données et ne permettent pas toujours de déployer tous les cas d’usage cibles.
  • La sécurité des données. Si vous optez pour l’option CDP sur l’étagère, vos données seront hébergées sur les serveurs de l’éditeur. Si vous choisissez de construire votre CDP, les données seront hébergées sur vos serveurs (en local) ou dans le cloud sur des serveurs que vous louez. Vous avez donc un meilleur contrôle sur vos données.
  • La complexité. Une Customer Data Platform est alimentée par un nombre important de sources de données. Chaque source de données a son langage, son modèle de données. Réussir à unifier ces données dans une base sur-mesure est un challenge. Comme toujours, Sur-mesure se déplace toujours avec sa sœur « Complexité ». Si vous visez la simplicité, choisir une CDP sur-mesure est très tentant…
  • Le temps de déploiement. Installer et configurer une CDP sur l’étagère est plus rapide que d’en créer une de toute pièce. Dans le premier cas, comptez un mois de déploiement, dans le deuxième cas entre 2 et 4 mois.

On le voit, chacune des deux options (Buy ou Build) a ses avantages et ses inconvénients. Dans une telle situation difficile de faire son choix…Mais doit-on vraiment faire un choix entre ces deux options ? Pourquoi ne pas réunir le meilleur des deux mondes ? Nous allons vous présenter une troisième approche, hybride et Data Warehouse first.

L’approche hybride, Data Warehouse first, a le vent en poupe

Le sens de l’histoire pointe de plus en plus vers cette approche. Cette approche hybride consiste à construire la CDP dans votre Data Warehouse Cloud. Cette approche permet de bénéficier de toutes les fonctionnalités que l’on est en droit d’attendre d’une CDP moderne : des tonnes d’intégrations possibles, la résolution d’identité indispensable pour construire un Référentiel Unique, etc. Tout en gardant le contrôle sur les données.

Cette approche mérite l’attention. Pourquoi ? Pour au moins 3 raisons. C’est l’approche :

  • La plus rentable. Vous n’avez pas à payer un éditeur de CDP pour qu’il héberge vos données sur ses serveurs. Les éditeurs de CDP font payer le stockage des données beaucoup plus cher qu’un éditeur de Data Warehouse Cloud. En utilisant le DWH, le stockage de vos données devient une commodité.
  • La plus sécurisée. Les données ne sont pas contrôlées par l’éditeur de CDP, mais par vous.
  • La plus flexible. La connectivité est un point fort des solutions de Data Warehouse Cloud. Chaque plateforme de DWH propose des centaines de connecteurs avec les principales sources de données et outils MarTech. Mais vous n’êtes pas limités par les connecteurs natifs proposés par les CDP. Les DWH proposent des solutions d’intégrations plus souples et plus larges.

🏆 Un changement de paradigme qui va bénéficier aux (gros) éditeurs de plateformes cloud plus qu’aux éditeurs SaaS

L’approche hybride entraîne un changement de paradigme. Sa principale caractéristique est la place centrale jouée par le Data Warehouse Cloud. Les acteurs proposant des solutions de DWH Cloud ont certainement de beaux jours devant eux. Le temps où le marché des MarTech était dominé par un oligopole composé de Salesforce, Oracle, SAP et Adobe est en passe d’être révolu. Et si les principaux acteurs MarTech devenaient BigQuery (Google), Redshift (Amazon), Azure (Microsoft) ou encore Snowflake ? Ce sont eux qui ont tout à gagner du développement des approches DWH-first, clairement.

Les CDP sur l’étagère sont des ETL avec une couche logicielle

Dans le passé (mais ce passé est encore le présent de beaucoup d’organisations), les entreprises utilisaient des applications dont chacune disposait de sa propre base de données. Que ces applications soient développées par le même éditeur ou par des éditeurs différents…Par exemple, si vous utilisez Salesforce Marketing Cloud (pour le marketing), Salesforce Commerce Cloud (pour le commerce) et Salesforce Service Cloud (pour le service client), vous avez trois systèmes indépendants avec chacun sa base de données. Vos données ne sont pas unifiées.

La dispersion des données qui en résulte a conduit à l’émergence des CDP. Ces CDP sur l’étagère, au fond, ne sont rien d’autre que des outils ETL conçus pour construire des pipelines de données et synchroniser les données entre les applications. Elles fonctionnent de la même manière (Extract – Transform – Load et partagent les mêmes défauts : les pipelines sont coûteux à mettre en place, coûteux à maintenir et exposent aux fuites.

Les solutions de datawarehouse cloud ont de gros avantages

Et puis se sont développées les plateformes cloud, les BigQuery, les Snowflake, proposant une approche radicalement différente. Ces technologies vous permettent de construire votre base de données unifiée dans le cloud et fonctionnent de la même manière qu’une CDP…sans pipelines.

Connecter une source de données à votre Data Warehouse BigQuery ne consiste en rien d’autre qu’à ajouter les bonnes permissions dans la clé API BigQuery de votre source de données. La connexion des données devient incroyablement plus simple :

  • Il n’y a pas de migration de données.
  • Le stockage n’est plus un problème, votre DWH peut mettre en musique un volume potentiellement infini de données…sans aucune maintenance requise.
  • Une plateforme cloud est un système ouvert qui permet facilement de greffer à votre infrastructure des outils tiers, contrairement aux CDP du marché qui enferment dans un environnement rigide.
  • La puissance de calcul proposée par les solutions DWH Cloud est bien supérieure à ce qu’offrent les solutions CDP du marché.
  • Dans un DWH Cloud, vous pouvez gérer de manière centralisée et granulaire les droits et les accès.
  • Les applications tierces peuvent accéder à de grandes quantités de données et les interroger autant qu’elles le souhaitent sans que cela n’ait d’impact sur leur fonctionnement et leur disponibilité.
  • La connexion des données n’engendre aucune fuite (et pour cause, il n’y a pas de tuyaux) et aucuns lags de synchronisation.

Le temps où l’empilement des outils entraînait l’empilement des données sera peut-être bientôt un mauvais souvenir. Construire votre CDP dans votre Data Warehouse vous permet de connecter facilement vos sources de données, d’unifier ces données et de les redistribuer ensuite aux applicatifs métier.
Cette approche permet réellement de construire une « plateforme » au sens rigoureux du terme, et non pas une suite de logiciels.

Conclusion

Une entreprise qui souhaite mieux exploiter ses données clients et qui cherche une solution technologique pour y parvenir doit clairement envisager l’alternative hybride que nous avons présentée. Non, la CDP sur l’étagère n’est pas la seule option. Non, il ne faut pas forcément choisir entre les approches Buy et le 100% Build. L’approche DWH first connaît un engouement croissant. A la plus grande joie des grandes plateformes cloud…La croissance à trois chiffres d’un acteur comme Snowflake est emblématique de cette évolution majeure. A suivre !