Comment construire sa roadmap data ?

Construire une roadmap data est un jeu d’équilibre où l’on cherche à la fois à répondre aux besoins business immédiats mais aussi à poser des bases stables pour l’architecture du système de données. Il y a cependant deux écueils majeurs lorsque l’on établit sa roadmap :

  • Se concentrer principalement sur les enjeux à court terme. La prise de décisions fondées sur des exigences à court terme risque très probablement d’apporter des incohérences à long terme, qui vont peu à peu se transformer en dette technique.
  • Se projeter trop loin et se déconnecter de l’activité métier. Réfléchir à une construction optimale de l’infrastructure data sans prendre en compte les besoins actuels des équipes métiers va pénaliser l’ensemble de l’entreprise. En effet, les autres acteurs ne pourront pas tirer partir du dispositif data avant un certain temps, ce qui rend impossible le développement d’une activité « data centric ».

Il est donc nécessaire de naviguer entre ces deux extrêmes pour développer une roadmap data équilibrée qui porte ses fruits à court terme, tout en offrant une architecture stable sur le long terme. Pour cela, nous avons établi un framework vous permettant de trouver cet équilibre précieux et de construire une roadmap data adaptée à vos besoins.

Construire votre roadmap data : le guide étape par étape

Pour clarifier le processus de construction d’une roadmap data, nous avons choisi de prendre l’exemple d’une équipe data fictive de 10 personnes pour laquelle on construit une roadmap sur 12 mois. Les besoins de cette équipe sont ceux que l’on observe le plus fréquemment. Le développement de cette feuille de route se fait en 5 étapes :

#1 – Recenser les besoins métiers

La première étape de la construction d’une roadmap data consiste évidemment à recenser les besoins métiers. Cela passe d’abord par des entretiens avec les principaux responsables des sujets nécessitant une intervention de l’équipe data. Le lead de l’équipe data se doit ainsi de rencontrer les responsables métiers des équipes support, sales, marketing…

Lors de ces réunions, l’accent doit être mis sur les exigences à 12 mois qu’il faut réussir à identifier et à prioriser. Cela permet de déterminer les « besoins data » qui incombent à votre équipe et d’estimer le nombre de projets sur lesquels il est nécessaire d’intervenir.

Une bonne pratique est de collecter les retours de ces échanges dans un tableur où l’on décrit les objectifs des projets, les principaux KPIs qui y sont liés, les leviers d’actions… Ainsi, il est plus facile de se rendre compte de la charge de travail requise par chaque business unit et de regrouper les projets similaires.

#2 – Filtrer les besoins

Après avoir collecté l’ensemble des requêtes, il est nécessaire d’appliquer un ensemble de filtres sur celles-ci afin de pouvoir les prioriser. Yann-Erlé le Roux propose ainsi un système de « tamis » permettant in fine d’attribuer à chaque tâche un degré de priorité.

Le tamis est constitué de 4 filtres :

  • Alignement avec le plan stratégique de l’entreprise
  • Valeur Business
  • Degré de difficulté de mise en œuvre
  • Capacité à s’intégrer dans l’architecture data de l’organisation

Pour chaque intervention, on associe un score de 1 à 3 à chaque filtre. Il s’agit ensuite de sommer l’ensemble pour obtenir une note allant de 4 à 12. En opérant ainsi, il est possible de classer directement les projets par un tri décroissant. On obtient alors directement un premier ordre de priorité sur les tâches.

#3 – Définition des priorités

Une fois la liste triée par ordre décroissant des notes, on peut ajouter une valeur de priorité qui permet d’affiner ce classement. 5 degrés de priorité suffisent à classer l’ensemble des projets :

  • P0 : Cas d’usage priorisé par le COMEX dans le cadre d’un plan global de transformation ou d’un virage stratégique.
  • P1 : Cas d’usage « Must », le projet est essentiel dans l’entreprise et permet d’améliorer significativement l’efficacité d’une équipe.
  • P2 : Cas d’usage « Should », le projet est pertinent et son impact dans les équipes est non négligeable.
  • P3 : Cas d’usage « Nice to have/Bonus », l’idée est intéressante mais l’impact est difficile à évaluer ou trop faible pour justifier de mobiliser d’importantes ressources
  • P4 : Projet abandonné

En établissant ainsi un classement en 5 niveaux, on obtient une version « 1.0 » de la roadmap data et surtout un premier éclairage quant à la charge de travail.

#4 – Estimation de la charge de travail

Après avoir déterminé l’ordre de priorité des UC, il faut définir pour chacun une estimation de la charge de travail en jours travaillés. Une bonne façon de procéder est d’établir un classement en « taille de tee-shirt » :

  • XS : 10 JH
  • S : 20 JH
  • M : 40 JH
  • L : 60 JH
  • XL : 100 JH
  • XXL : 150 JH

Il suffit alors de sommer les jours travaillés pour obtenir la charge totale, tout en tenant compte de la charge de travail maximale. Dans notre cas par exemple, la limite est de 2060 JH (10 ETP x 206 jours travaillés).

#5 – Attribution des sujets

Maintenant que les sujets sont ordonnés par ordre de priorité et que la charge de travail a été définie, il faut les attribuer aux équipes correspondantes. On les réparti généralement ainsi :

  • Equipe data seule,
  • Avec la DSI sans code projet,
  • Avec la DSI avec code projet,
  • Les parties prenantes : contributeurs, owner industrialisation, owner R&D…

Pour clarifier la portée du projet auprès des équipes, il est nécessaire de déterminer le degré de maturité du projet :

  • Exploration,
  • POC,
  • Industrialisation,
  • Run

Il faut ensuite segmenter entre les différents métiers concernés :

  • Data analyst,
  • Data scientist,
  • Data engineer,
  • Scrum master…

Lorsque toutes ces étapes ont été réalisées, il est enfin possible de choisir le timing pour les projets, que l’on organise en trimestre généralement, mais dont le maillage peut être adapté aux besoins. Il s’agit ensuite d’adapter ces use cases à la méthodologie de gestion de projet que vous utilisez : en Agile, on regroupe les use cases en groupes appelés EPIC qui sont associés à des grands thèmes (par exemple : projets transverses, stratégie entreprise, efficacité du développement, efficacité des opérations, connaissance clients).

En complément de cet article et pour approfondir certains points, nous vous invitons à découvrir notre guide complet pour structurer la fonction data en startups. On y détaille les besoins (stratégiques, technos, humains) en fonction du stade de développement de l’entreprise.

Construire votre roadmap data : s’adapter aux besoins de votre organisation

Le rôle de l’équipe data

Si les besoins de chaque entreprise différent en termes de données, quelques règles générales peuvent être adoptées pour s’assurer de développer une roadmap data s’inscrivant dans la stratégie générale de la firme. Essentiellement, cela se résume à se demander pourquoi l’équipe data existe au sein de votre société. Quelles sont les problématiques centrales ? Quels problèmes devez-vous résoudre ? Quelles solutions pouvez-vous apporter ?

Ces questions permettent de classifier l’ensemble des sujets en trois catégories :

RôleLe problème La solutionL'objectif
AnalyseLa direction a besoin de données pour orienter et guider la prise de décisionConstruire des dashboards et développer une histoire autour des données pour faciliter la compréhension des données stratégiquesApporter un éclairage et de nouvelles informations
Automatisation De nombreuses tâches répétitives et chronophages doivent être réalisées à la main Développer des processus automatiques permettant d'accélérer significativement le traitement de ces tâchesEconomiser des ressources, du temps et de l'argent
Développement de produitIl y a une opportunité de générer un revenu en créant un produit dataTransformer des données brutes en une solution technique profitable Créer une source de revenu supplémentaire

Adopter cette grille de lecture lors de la construction de votre roadmap permet de gagner en pertinence. Ainsi, vous pouvez prendre du recul sur chaque sujet que vous devez intégrer à votre roadmap. De cette façon, vous vous assurez que votre feuille de route conduise au développement et renforcement du rôle central de votre équipe au sein de l’entreprise.

Les éléments à considérer en amont

Lorsque l’on se pose la question de la place de l’équipe data au sein de l’entreprise pour construire une roadmap pertinente, il faut aussi considérer un certain nombre de motivations en amont et d’influences extérieurs qui affectent fortement la construction de cette feuille de route. Les équipes de Teradata proposent une structure en trois parties pour bien différencier ces éléments.

roadmap data

Les drivers sont à l’origine des besoins data et justifient la mise en place d’une roadmap. Ils permettent également un mécanisme crucial de cadrage. Chaque projet déployé, chaque problème de qualité des données traité et chaque politique de gouvernance des données établie doivent avoir un lien clair avec l’activité de l’entreprise.

  • Business Initiatives and Use Cases. S’il peut être utile et pertinent de proposer de nouvelles initiatives, il est encore plus crucial d’identifier les activités commerciales déjà planifiées et financées de l’entreprise nécessitant l’intervention de l’équipe data. Ce faisant, la roadmap data prend une place centrale dans la stratégie d’entreprise. Elle intervient à tous les niveaux pour proposer des leviers d’actions novateurs dont les effets sont rapidement observables.
  • Corporate Objectives. Il faut ici rechercher les objectifs définis par la direction qui s’appliquent de façon transversale dans l’entreprise. Cela peut être par exemple une migration généralisée vers le cloud ou une nouvelle approche managériale. L’équipe data a alors la possibilité d’intervenir sur des sujets de large envergure.
  • Business Use Case Prioritization. Une fois ces éléments pris en compte, il faut organiser ces tâches par ordre d’importance. Vous pouvez alors vous référer au point #3 de l’établissement de la roadmap data.

Une fois les drivers pris en compte, il faut s’intéresser aux nombreux éléments qui viennent influencer la roadmap et la capacité à développer et à mettre en place de nouveaux projets.

  • Information Prioritization. Les données que requièrent les différentes équipes se recoupent très régulièrement (données clients et produits pour les sales ou le marketing, données de production pour la direction financière et les opérations…). Ainsi, lorsque l’on prévoit de créer de nouvelles sources d’informations, il est particulièrement utile de recenser tous les use cases possibles et de comptabiliser les utilisateurs finaux. Cela permet d’évaluer l’impact final du projet, auquel s’ajoutent souvent des externalités positives.
  • Current State Architecture. Ici, l’équipe acquiert une compréhension de l’état actuel de la technologie, des données et d’autres facteurs qui affectent l’architecture data. Le degré de précision de cette analyse se fait en fonction des besoins spécifiques. Une description détaillée n’est utile que lorsque les projets data doivent être intégrer dans un écosystème complexe.
  • Capability Assessment. La réussite de ses projets dépend du travail commun de personnes aux compétences techniques et non techniques, telles que la gouvernance des données, les capacités analytiques, les processus organisationnels… L’idée est de ne planifier que ce qui est nécessaire quand c’est nécessaire, tout en améliorant continuellement les capacités générales de votre équipe. Cela permet de bénéficier d’une plus grande flexibilité, tout en conservant un cap précis.

Enfin, lorsque vous avez une compréhension suffisante de ces sujets, vous pouvez prendre certaines décisions et évaluer l’impact de celles-ci.

  • Implementation Alternatives. Lorsque l’on réfléchi à l’implémentation des nouvelles technologies et des nouveaux projets dans le SI, un certain nombre d’alternatives à l’infrastructure actuelle apparaissent. Il faut alors choisir entre l’architecture déjà en place ou l’utilisation de nouvelles solutions. Nous avons déjà abordé ce sujet dans un article sur la construction de son propre dispositif data.
  • Future State Architecture.L’équipe doit avoir une vision précise de l’état futur de l’architecture de data. Cette vision doit clairement indiquer comment les initiatives et les cas d’usage seront intégrés dans l’écosystème, et doit prévoir l’évolution de l’architecture pour répondre aux besoins de la manière la plus rentable et efficace possible.
  • Data and Analytics Roadmap. La feuille de route finale reprend tous ces éléments pour définir précisément les projets et nommer des responsables qui devront respecter un agenda clairement établi. Construire cette roadmap doit se faire de manière structurée, et c’est pourquoi nous vous conseillons vivement d’utiliser le framework présenté ci-dessus.

Construire une roadmap data est loin d’être un exercice trivial, et le succès des projets entrepris par l’équipe data dépend très fortement de la qualité de cette feuille de route. Pour cette raison nous vous conseillons fortement d’appliquer le cadre que nous vous avons proposé pour procéder par étapes. Ainsi vous vous assurez d’avoir :

  • Une vision claire et précise des projets à entreprendre,
  • Une estimation fiable de la charge de travail,
  • Une classification des tâches par ordre de priorité et d’importance,
  • Un calendrier précis de votre année permettant de suivre attentivement l’avancée des projets

Ces trois avantages sont décisifs pour la réussite de votre équipe et pour le développement de la data dans votre organisation. Répéter ce processus est la garantie d’avoir une équipe fiable année après année, capable de tenir ses engagements et de fournir des leviers d’actions efficaces qui s’intègrent parfaitement dans un écosystème que vous pouvez alors faire évoluer.

Ainsi, le développement de votre roadmap data doit être une de vos préoccupations majeurs. Plus encore, il est absolument nécessaire de revenir régulièrement sur cette roadmap pour pouvoir l’adapter, la corriger ou la préciser afin d’avoir toujours une vision claire des projets à venir et d’être capable de guider au mieux votre équipe.